Rongeur à qui on a dit un jour -en langage de marmotte j'imagine- qu'elle avait une destinée particulière; celle de prédire l'arrivée du printemps.
Du retour de la lumière entre les bourgeons des arbres, de la chaleur et des terrasses.
Du retour à la vie de ses cuisses et ces seins emmitouflés depuis des mois sous des lainages et des tissus épais.
Comme chaque année, nous faisons un point d'honneur de respecter cette tradition. Nous finissons par y croire, à demi naïfs, sachant bien que l'animal de changera pas le froid québécois habituel.
Et pour autant que je sache, l'hiver s'éternise toujours tellement...
Pour contrebalancer l'effet «Marmotte» le 2 février, je choisis de sortir de ma tanière, habillée de mes bottes doublées et de mon manteau à large col décoré de fourrure. Mon attention, en hommage à Phil..
Je marche dans les rues de la ville, écouteurs aux oreilles, mitaines aux mains.
Ce n'est pas une journée tellement ensoleillée et il neige un peu. Disons que Québec fracasse aujourd'hui un record de froid. Je ne ressens pas l'engelure qui commence petit à petit sur mes joues.
À mes yeux se forment des petites gouttelettes d'eau et certaines restent suspendues à mes cils, gelées.
Je me rends compte que je suis seule dans les rues.
Je suis la seule personne réellement zen, qui ne cherche pas à courir vers le bureau pour éviter la température saisissante, la seule qui n'attend pas l'autobus les épaules relevées et les lobes rougis.
Je suis la seule qui ne cherche pas à éviter les dents qui claquent, les vents contraints entre les buildings.
Je marche, dans ma bulle, nostalgique. Et je ne calcule pas mon trajet. J'ai tout le temps qu'il faut.
J'entends les cloches de l'église St-Roch.
Ces cloches qui me réveillaient, qui accueillaient mon sommeil le soir venu, qui ponctuaient mon quotidien. L'église, dressée fièrement au centre du quartier, à deux pas de ma vie..
Je me rends devant la fenêtre de mon dernier appartement.
Mon penthouse qui aura tout vu de mes parties de jambes en l'air et de gorge profonde.
Qui aura reçu mes plaintes indiscrètes, à demi étouffées entre un édredon humide et le torse de l'homme que j'aime. Où l'odeur de son parfum musqué, mélangé à Lanvin et à celui des fluides de nos corps en transe s'emmêle, se transporte, se fusionne, s'amenuise et s'imprime sur les murs de mes souvenirs. Je reste là sous la neige, à fixer la fenêtre où je passais des heures assise sur le large rebord, à lui écrire, à lui parler, à souhaiter sa venue et à l'observer lorsqu'il stationnait juste en bas.
Je vois les lieux de nos ébats.
Ma chambre, dans laquelle une porte donnait sur la cour intérieure où trônait un grand hêtre et des balcons fleuris. Petite chambre, avec ma commode et mon lit simple. Mon bonheur trouvé dans les petites choses. Avec mon coffre à surprise sur la table de chevet, cachant la vingtaine de jouets charnels que je ne laissais pas à la vue des invités.
Mon salon, pas réellement défini dans l'aire ouverte de mon logis. Où la majeure partie de l'espace était occupé par un immense sofa, confortable, accueillant. Sofa où j'adorais m'étendre le soir, au son de ta voix, avec les cuisses entrouvertes et un string rouge dont il m'avait fait cadeau. Ce que j'ai eu de violents spasmes sous l'effet de la caresse même virtuelle de son corps sur le mien.
Et quand les astres étaient alignés, même pour quelques heures, le virtuel faisait place au bien réel et là, c'était le climax... La déco, un peu basée sur un cadeau de crémaillère, ponctuée de rouge et de noir. Petit look glam et passionel.
J'avais même acheté un poisson rouge et mis un très haut vase de verre avec des diamants au fond en plein milieu de la cuisine, pour lui servir de bocal.
Pas surprenant que je me remémore encore ces instants.
Je poursuis ma route.
D'abord, une boisson chaude. Je m'arrête à la Brûlerie, demande un Chaï. J'en hume le caractère, les subtilités, la chaleur rassurante qu'il procure sur mes sens. Les épices, qui donnent un saveur si unique et particulière à ce que nous sommes.
Sur le trottoir où j'attends le passage piétonnier, je me retrouve au centre d'une bulle nostalgique. Mes yeux s'élèvent, les vitrines noires et brillantes renvoient l'image des nuages de flocons qui remplissent le ciel. Mais il agit sur moi comme un signe dans ma noirceur.
Je marche vers un hotel phare.
Crédit: Cynthia Coulombe Bégin - LE PHARE, Galerie d'art FACTORY (Québec) |
Je m'arrête sur un banc devant l'église.
Magnifique vue.
Juste un peu moins belle que celle que j'avais lorsque couchée nue sur le lit dont la vitrine donnait sur le clocher, j'avais pris cette photo de toi à contre jour. Ta silhouette. La lumière. La moment. Parfaits.
Ton chandail ligné et tes cheveux hirsutes. Ton dos.. tes fesses.. Le retard pris sur notre plan de la journée parce qu'on ne pouvait se tirer du lit. En même temps.. quelle autre activité nous aurait rendus aussi heureux..
Je m'apprête à monter les marches vers le parvis de l'église.
Le soleil sort enfin. Les cheveux dans la brise, je sens un pincement. Je respire un peu moins bien.
Je regarde le sol.
Je vois mon corps déformé, zigzaguant sur l'escalier de béton, projeté par un rayon qui ne durera que quelques secondes. Puis, retour à l'obscurité.
J'ai vu mon ombre aujourd'hui. Et que je veuille le croire ou non, mon hiver intérieur durera encore quelques semaines..
Jade xx
je découvre ton blog
RépondreSupprimerSuperbes écrits !
Bisous
Julien